Les « Si » de Mulunda ou « Sa » corde d’étranglement
De l’interpellation à la détention, l’ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) n’aura franchi qu’un seul pas. Daniel Ngoy Mulunda risque de ne franchir qu’un autre petit pas pour être incarcéré, au regard des charges retenues contre lui (incitation à la haine tribale, la propagation de faux bruits et atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat) et le déroulement du procès. Les avocats de la défense crient déjà à « une parodie de procès ». Bien avant d’arriver au procès, tout est parti d’un prêche, dont le message essentiel se focalise sur des conditionnalités pour le maintient du Katanga dans la carte géographique de la République démocratique du Congo (RDC) : les « Si ». Des conditions qui semblent devenir une corde d’étranglement, ou mieux « Sa » corde. La condition ou la possession ? Laplumeinfos.net revient sur la « prédication » de Ngoy Mulunda.
C’est un samedi 16 janvier 2021 ordinaire pour certains, et non pour les autres. Pour les Congolais en général, c’est la commémoration du 20e anniversaire de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila.
Il y en a qui ont dormi la veille, qui se sont réveillés le matin pour aller, soit au mausolée, soit le long du Fleuve Congo à Kinsuka ou à Kinkole à Kinshasa.
Cela ne semble pas être le cas pour d’autres, à en croire Daniel Ngoy Mulunda. « Je sais que, vous ne dormez pas, vous ne rêvez que les ciseaux », a-t-il lâché dans son homélie. Autant dire que l’ombre de M’zee aurait hanté quelques personnes qui n’ont fait que des cauchemars des « ciseaux » la nuit.
Et ces personnes, à en croire l’ancien patron de la CENI, ne serait pas les Katangais, pris dans son ensemble, dit le grand Katanga. « Quand les Katangais veulent marcher, ils voient autre chose que les ciseaux », affirme-t-il, sans plus de précision.
Les « Si »
Le ci-seau. Parlons-en. Le premier syllabe (Ci), et la conditionnalité « Si », ne diffère que par une lettre : le C ou le S. pour le couturier, le ciseau jour un grand rôle, celui de couper un tissu, pour en faire une étoffe admirable. C’est un outil capital pour lui. Il coupe pour construire et proposer une magnifique œuvre. Question : est-ce le même ciseau qui coupe dont parle Ngoy Mulunda ? peut-être celui du coiffeur. Pour lui, le ciseau est aussi un outil très important et sert à couper [les cheveux] pour jeter… dans la poubelle. Les cheveux de leurs clients deviennent la saleté. Et si le Katanga était des cheveux et la RDC la tête d’un client selon l’entendement du prédicateur ?
« Si vous voulez que le Katanga continue à faire partie de la RDC pour toujours, je donne ce message à tous les autres et aux dirigeants de ce pays ». Cette phrase de Daniel Ngoy semble éclairer la lanterne de plusieurs. Cela parait comme un ultimatum ou peut-être une menace. C’est l'adresse aux dirigeants.
« Si vous voulez que le Katanga continue à être dans la RDC pour toujours et que nous puissions tous partager ce que vous manquez chez vous, le lait et le miel », poursuit l’homme de Dieu.
Ces deux phrases, presqu’identiques ont un même sens : la conditionnalité pour le Katanga de demeurer ou faire partie de la RDC « pour toujours ». Un message adressé à tous en général et particulièrement aux dirigeants.
Au-delà de cet aspect, le message du pasteur dégage l’idée de la dépossession (ce que manquez) et de possession (le lait et le miel du Katanga). Quelle image ! le Katanga est comparé à Canan, la terre promise des Israélites.
Le lait et le miel, c’est aussi l’expression utilisée par le président de la République, Félix Tshisekedi, lors de son message à la nation le 31 décembre 2020. Le rapprochement est vite trouvé : les « dirigeants » de Mulunda, n’est autre que « Félix Tshisekedi ».
« Je jure »
Une main sur la bible, une autre sur le drapeau… les phrases ordinaires sont prononcées et le président Joe Biden prête serment aux Etats-Unis, en remplacement de Donald Trump. Nous sommes le 20 janvier 2021. Retour à Lubumbashi. « Je vais du haut de cette chaire », prononce Mulunda. « Devant mon Dieu », ajoute-t-il, en prenant Dieu à témoin, maitre suprême de la Bible et de la Constitution. « … vous dire les choses qui nous fâchent, nous Katangais », vocifère le pasteur, qui prêche « la parole ». « …Et qui vont nous pousser à couper », se lâche-t-il, en parlant clairement du ciseau qu’il a évoqué en prélude. « … que vous le vouliez ou pas » ! Et l’assemblée dit : Amen, avec les drapeaux de la sécession katangaise.
Ce paragraphe du serment fait devant la chaire (objet sanctifié) et devant Dieu (quel autre suprême que Dieu pour aboutir à ces fins lorsqu’on est déterminé à faire quelque chose ?) est un engagement sérieux de Mulunda à recourir au « ciseau » et « couper », de gré ou de force. Pour lui, il faut dessiner une autre carte de la RDC sans le Katanga, sauf si ses conditions sont respectées.
« Maintenant voici les choses que je demande aux autres : 1. Ils doivent respecter nous dirigeants et plus particulièrement notre leader du Katanga, le président honoraire et sénateur à vie, Joseph Kabila Kabange. 2. Si vous voulez qu'on reste ensemble, vous devez respecter la très respectée notre mère, Olive Lembe Kabila, c'est notre maman ». Autre condition posée par Daniel Ngoy Mulunda.
Outre les deux « parents » du Katanga, Daniel Ngoy exige également « le respect de nos dirigeants politiques que nous avons démocratiquement élus. »
Corruption et Wewas
Ngoy Mulunda ne transige pas pour les dirigeants de sa province : « Arrêtez de les corrompre, arrêtez de les humilier. Vous voulez créer une majorité ? Avec le président, nous avons créé le débat ? Ça ne plait pas aux Katangais. »
Pour le pasteur, ce sont les dirigeants qui sont à la base de la déstabilisation du Katanga et il veut que cela prenne fin : « Arrêtez le plan de déstabilisation de nos gouverneurs et les assemblées provinciales dans le but de vous donner notre lait et notre miel. »
Et d’insister : « la hache est déjà haute et prête ». Le ciseau n’aura pas suffi, il faut une hache !
« J'aimerais demander et redemander les chauffeurs de moto taxi pour qu'ils respectent la loi et qu'ils fassent bien leur travail de transport public », insiste le prédicateur du 16 janvier.
Une interpellation destinée à une frange de la population d’une province autre que le Katanga. Et de poursuivre : « Si vous permettez tout, ce qui se passe avec les motocyclistes, c'est incroyable ! Ils peuvent le faire à Canaan, chez les Philistins, mais pas dans la terre de Tshombe, soyez humble ! Vous n'êtes pas chez vous ». C’est ici que le bât blesse.
Cette expression vaut son pesant d’or de par sa signification qui veut dire « que l'on a trouvé la cause d'une souffrance (psychologique en général), le point sensible d'une personne, ou un problème en général. »
Des observateurs ne s’expliquent pas que le pasteur unificateur (normalement) divise les populations congolaises, contrairement à la Constitution qui veut que tout citoyen se sente chez lui partout en RDC !
Mulunda aura posé des conditions, des « Si », mais il aurait peut-être préparé « Sa » corde d’étranglement, qui risquerait de l’étouffer, comme « un riche pasteur », sentant sa mort (politique et religieuse) prochaine…
Moto Mayele
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